Nichée dans les vieux murs  ou manteau de la terre, la mousse est adulée par les japonais. Elle est le symbole d’un printemps éternel.

Pour ma part, j’en suis fan aussi !

Alors, pourquoi cette passion nippone pour les mousses alors que les occidentaux ne cherchent qu’à s’en débarrasser à grands coups de pesticides ? Les mousses sont et ont été une source d’inspiration pour les moines zen, les poètes et les architectes japonais.

 

Nos ancêtres, les mousses

Elles sont arrivées sur notre belle planète il y a trois cent millions d’années , avant les fougères qui ont précédé les arbres et les fleurs. Nous leur devons donc du respect rien que pour cela. Le grand âge est vénéré au Japon. Les mousses même les plus banales sont considérées comme trésors nationaux . Un temple dédié aux mousses a été érigé à Kyoto.

 

 

Saiho-Ji, le Temple qui cultive les mousses et Bouddha

Ce temple bouddhiste zen est situé à l’ouest de la ville de Kyoto, à une heure et demie de voiture . Cette situation géographique est voulue car l’ouest représente le déclin de la lumière du jour, paradis du Bouddha. Le jardin est constitué de mousses plus vertes les unes que les autres.

Cet « uni-vert  » nimbe ce lieu de silence, de magie et d’esprits.
Pour le visiter , il faut tout d’abord faire une demande écrite afin d’obtenir un rendez-vous. Les bus et voitures doivent être garés à distance vous obligeant à arriver au Temple à pied. Cela est nécessaire pour vous approprier le temps.

Le laisser -passer n’est donné qu’après avoir fait une halte dans une grande salle recouverte de tatamis où vous devrez recopier un « soutra« . Ensuite , vous êtes invités à tracer un voeu destiné à ses proches sur une planchette de bois.

Cette étape est nécessaire pour se débarrasser des pensées parasites et des bruits du monde. Vous êtes prêts à vous laisser imprégnés par le silence , la beauté et la spiritualité du lieu.
Un manteau de mousse s’étale et remonte les troncs des camphriers, des cèdres et des érables.  Chaque mousse est différente selon l’espèce d’arbre, selon qu’elle pousse sur de la pierre. Le jardinier, tel un peintre joue avec toutes les nuances de vert, créant un jardin d’ombre et de lumière.

 

Pluie d’averse
sans un bruit sur la mousse
me reviennent les choses du passé
Yosa Buson

 

 

Les Poètes inspirés par les mousses

Seul un dieu pourrait avoir tissé ce tapis de mousse. La mousse apparait dans les poésies japonaises dès le 8ème siècle, (le Manyôshû , recueil des dix mille générations) .

Il y a plusieurs sortes de mousses auxquelles les japonais ont donné des noms très poétiques : « pinceau du Yamato », « mousse lanterne », « mousse d’argent », « grande ombrelle », « écureuil », « mousse phénix », « soie bleutée »…

Pour l’observer, il faut déplacer son point de vue, se pencher vers le sol comme on se courbe pour passer l’entrée du pavillon de thé. L’horizon s’abaisse et permet de revenir à la base, à l’essentiel que l’on néglige la plus part du temps.

La mousse est partout, au détour d’une vasque de pierre d’un temple, sur le faîte d’une lanterne éclairant le chemin appelant au renoncement, à la méditation solitaire.

Elle s’invite en ville , recouvrant le ciment d’un mur, s’insinuant dans les pavés. Elle remplace le jardin impossible à posséder dans ces mégapoles . Elle apporte la fraîcheur par temps chaud lors des étés humides , au Japon.

 

 

Eloge du minimalisme mis en valeur par la mousse

« D’une manière générale, l’excellence se caractérise par un dépouillement extrême » , Shun, moine poète japonais

Au Japon, les architectes , les paysagistes intègrent la mousse dans leurs constructions pour son naturel et son dépouillement .

Le bâtiment de la boutique Prada à Tokyo, signé Herzog & Meuron comporte dans un patio vide une pyramide et une corolle recouvertes de mousse. La plasticité de la mousse lui permet de pousser sur des plans inclinés.Elle figure sur les jardins en pente, les monts qui rappellent la géographie du pays .

C’est le symbole d’un printemps éternel.

 

 

Un peu de botanique 

Les mousses ne possèdent pas de racines. Elles se nourrissent d’eau de pluie et de rosée. Elles renaissent après des périodes de sécheresse . Elles recouvrent les lieux abandonnés, oubliés. Elles sont l’emblème de la marque du temps lentement déposée, l’acceptation du temps qui passe patinant les objets avec élégance  (Wabi Sabi). Elles sont les compagnes des pins, symboles d’éternité.

La généalogie des mousses

Il est dit dans le nô Miwa que les dieux Izanugi et Izanami « eurent leurs relations d’époux sur le tapis de mousses du séjour inébranlable des cieux ». Ils eurent le soleil, la lune et les îles de l’Achipel comme enfants.

La mousse recouvrira les stèles mortuaires de sa couleur printanière , symbole d’éternité.

 

Conseil de lecture:

Je me suis appuyée sur un livre dont je vous recommande la lecture pour rédiger mon article:

 » Louange des mousses » de Véronique Brindeau aux éditions Picquier.

 

 

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